Oran une ville qui fait peur

Régions Ouest : Oran une ville qui fait Peur

 

La langue se délie et la plume s'aguerrit lorsqu'on parle d'El- Bahia, ville hétéroclite qui renferme bien des secrets et des déceptions.
Certes, jadis, une ville radieuse, enivrante, captivante, elle l'est toujours. Ses monuments, ses sites et ses vestiges en témoignent. Ses ruines aussi. Mémoire d'un passé glorieux. Capitale de l'Ouest, deuxième ville d'Algérie qui rivalise avec la capitale. Ceux qui l'ont connue, il y a quelques décennies, vous le diront et vous le confirmeront : "Wahran" était une ville magnifique, superbe et attrayante. La visiter aujourd'hui en est tout autrement. Un spectacle de désolation, d'insalubrité, un manque d'hygiène flagrant favorisés par la négligence, le laisser-aller de certains responsables qui se cantonnent derrière leurs bureaux, à l'abri de la chaleur, bercés par la fraîcheur de climatiseurs. Ajoutez à cela le climat d'insécurité qui vous glace le dos surtout si vous écoutez des récits et des témoignages sur les agressions de toutes sortes. Faudrait-il une deuxième alerte à la peste pour se réveiller enfin et réagir ? Les choses vont mal à "Wahran", symbole des deux lions : les habitants de certains quartiers ne reçoivent l'eau qu'une fois tous les trois jours, parfois, cela dure plus d'une semaine. Dans d'autres, le phénomène perdure. L'alimentation en eau douce est un mirage et les colporteurs d'eau, encouragés par cette aubaine, en tirent d'énormes profits. L'eau, transportée la plupart du temps dans des citernes en tôle galvanisée, est d'une hygiène douteuse. Et dire que les Romains construisirent des viaducs qui desservaient cette denrée rare. Aujourd'hui encore, en 2006, des charrettes sillonnent la ville, offrant fruits et légumes, à la convoitise des yeux et des escarcelles fragiles. Les chevaux et les ânes affectés à cette tâche ne se gênent nullement pour déverser "les délices" d'une nourriture à même le sol. Encore un travail pour les éboueurs. Partout : devant les immeubles, les maisons individuelles, d'énormes tas d'immondices et d'ordures ménagères jonchent le sol. Même les éboueurs se prêtent au jeu et ne ramassent que ce qu'ils veulent, laissant le reste aux rongeurs, véritables diables de Tasmanie. Des rôdeurs nocturnes éventrent les sacs et répandent leur contenu. Les conducteurs inconscients grillent les sens interdits. Les enfants colonisent les rues en s'adonnant à leur jeu favori : le foot. Les piétons l'occupent littéralement défiant les automobilistes, leur jetant parfois un regard oblique et proférant des paroles véhémentes. Ne vous étonnez-pas si vous croisez de temps à autre de jeunes, bouteilles de bière à la main, déambulant dans les rues ou agenouillés sur les trottoirs rendant la vie difficile au voisinage par leurs veillées nocturnes où fusent des paroles obscènes et intempestives qui empêcheraient toute assemblée familiale. Des véhicules neufs pour la plupart roulent à grande vitesse risquant la vie d'autrui à chaque instant. Musique à fond, on fait fi de nos tympans ! Les routes défoncées et parsemées de "dos d'âne" rendent la conduite difficile aux automobilistes les plus hardis, venant à bout des amortisseurs les plus performants. Même les grandes avenues et les grands boulevards qui connaissent un véritable afflux n'échappent pas à cet état de fait. Parcourir les rues de M'dina J'dida, la Bastille, la cité Lescure renseigne sur la triste réalité oranaise. Tout règne dans le désordre. L'environnement est défiguré. Se garer quelque part pour faire ses emplettes relève du défi. Vous êtes obligé d'avoir recours à ces "vigiles" armés de matraque. Autrement, à votre retour, la surprise fait mal et les cardiaques flancheront. Car s'il y a vol, personne ne viendra à votre secours. Souvent, des personnes sont tabassées avant d'être délestées de leur véhicule. La corruption fait rage et le plus vieux métier du monde se pratique au vu et au su de tout le monde. Les services de sécurité ont beau multiplier les rafles et les rondes, les pickpockets poussent comme des champignons. Nul n'est à l'abri. La population est livrée à elle-même. Autant s'armer de patience et crier non à cette carence. "Wahran", à la veille de la réconciliation nationale, ville symbole de souveraineté, de plénitude, de gaieté, où il fait bon vivre, parviendra-t-elle un jour à sortir de la tourmente.
M. E. Safi

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